En canot sur les traces de l’histoire de la rivière des Outaouais
Par France Lemire
Ce parcours canotable riche en surprises prend racine à Rouyn-Noranda et sillonne les rivières Kinojévis et des Outaouais, les lacs Simard, Grazzy et des Quinze pour se finir 125 kilomètres plus loin à Angliers, charmante municipalité du Témiscamingue. Ces plans d’eau marqués par les traces de l’histoire, furent pendant longtemps le chemin privilégié des peuples algonquiens et des coureurs des bois. Ils ont servi au flottage des billes coupées à proximité par la CIP à la fin du 19e siècle en plus, d’être remontée en radeaux de fortune par de nombreuses familles du Témiscamingue en quête de prospérité stimulées par la grandiose ruée vers l’or du canton de Rouyn.
C’est tout près du pont de la Kinojévis sur la route 117 à Rouyn-Noranda, que vous quittez la terre ferme emballé par les nouvelles perspectives que vous offriront les cinq prochains jours. En piste pour un périple autoguidé, vous glissez d’abord sur un court tronçon de la rivière Kinojévis s’étirant vers le sud avant d’atteindre les lacs Vallet et Kinojévis où plusieurs y ont bâti chalets.
Passé le lac Kinojévis, vous battez en retrait en forêt alors que la Kinojévis reprend son titre de rivière. Ce dernier segment de 23 kilomètres franchement sauvage au relief discret et aux rivages souvent argileux et parfois rocheux est le plus étroit du parcours. Véritable paradis automnal des chasseurs du coin, ce tronçon est également bordé par une multitude de camps et de tour d’observation de l’orignal, le roi de la forêt abitibienne. C’est d’ailleurs sur un coin de terrain plat entourant un de ces camps souvent rudimentaires que vous plantez votre tente pour une première nuit idyllique sous les étoiles. À l’aube, vous reprenez votre route discrètement dans l’espoir de surprendre au détour d’un méandre, une immense bête à cornes s’abreuvant paisiblement.
À 43 kilomètres de votre point de départ, la Kinojévis se jette dans le cours supérieur de la rivière des Outaouais, la plus longue voie d’eau du Québec où vous poursuivez sur 33 km votre petit bonhomme de chemin. Ce célèbre plan d’eau rivalise en taille avec plusieurs fleuves. Long de 1271 kilomètres, il prend sa source dans la réserve faunique La Vérendrye aux lacs des Outaouais pour ensuite filer à l’Ouest par l’Abitibi-Témiscamingue.
Pour la portion qui vous concerne, elle est calme et lisse jusqu’aux rapides infranchissables de l’esturgeon, important dénivelé rempli de pierres et de roches de surface où l’eau circule avec une grande rapidité. Un long portage de 870 mètres s’impose alors à votre droite. Récompense après l’effort, vous terminez la soirée dans un invitant camping sauvage bordant la rivière avec rive de sable pour une baignade rafraichissante de fin de soirée vers un sommeil réparateur. L’endroit à tout pour plaire aux adeptes de grands espaces et de liberté.
Alors que le huard fait entendre son chant mélodieux après un copieux déjeuner, il est temps de reprendre la route. Huit kilomètres sont nécessaires pour atteindre le lac Simard, haut lieu de pratique des amateurs de pêche. Les habitants de la place, brochets, dorées et perchaudes vous offriront une partie de plaisir garantie. C’est ici que vous laissez trainer une ligne à l’eau pour vous régaler le soir venu de produits du terroir.
Mais avant la pêche, à l’embouchure du lac Simard, un arrêt saucette s’impose à la charmante petite plage au creux d’une mignonne baie située à votre gauche.
L’immense nappe d’eau, longue de 26 et large de 12 kilomètres, offre une grande palette de paysages. Les Algonquins la nomment Mijicowaja signifiant ’’lac quelque peu étendu’’. Ici, le spectacle est à son comble lorsque le lac prend des allures de mer d’huile alors que se mire tout ce qui plane au-dessus. Par contre, si le vent souffle, il faut s’armer de prudence en longeant la terre ferme et les quelques îles à proximité pour s’y réfugier au besoin.
La passe-Swift marque votre passage du lac Simard au lac Grazzy. Moins de cinq kilomètres sont nécessaires pour atteindre la splendide plage bordant le spectaculaire pont Grassy Narrow. Ce célèbre pont a été construit par le ministère de la Colonisation en 1939 et 40 pour relier Moffet à Sainte-Agnès-de-Bellecombe, aujourd’hui quartier de Rouyn-Noranda, ce qui ne s’est jamais réalisé. Entièrement fait de bois sans béton avec une travée centrale couverte, il mesurait 358 mètres. La partie Sud-Ouest du pont est incendiée le 18 juillet 1983 et une travée du pont Nord-Est s’effondre dans le lac en 2010. La première partie du pont est toujours en place et représente aujourd’hui un attrait touristique du village de Moffet.
C’est à travers ce spectacle d’architecture que vous êtes invité le soir venu à contempler sur le lac le coucher du soleil un verre de vin à la main après avoir monté votre tente sur la rive sablonneuse.
Pour les plus douillets, le coin abrite également quelques pourvoiries où il est possible de réserver une nuitée tout confort en préparation de l’aventure.
Au petit matin, vous défilez pénard sur 5 kilomètres bordés de flancs montagneux et ponctués d’affleurements rocheux avant de rejoindre la vastitude du lac des quinze.
Le plan d’eau aux reliefs vallonnés recouverts de forêts resplendissantes suit son cours sur plusieurs kilomètres. Haut lieu d’observation faunique, vous pagayez, sourire aux lèvres, en compagnie d’une bande de joyeux canards, huards, bernaches et hérons. De nombreuses baies sablonneuses se déploient d’une extrémité à l’autre du lac. À l’heure du lunch, c’est au creux de l’une d’elles que vous faites une pause repas suivie d’une baignade. En après-midi, en défilant franc Sud avec le village de Moffet pour horizon, vous savourez chaque instant jusqu’à la pointe aux Indiens, la partie la plus au sud de votre parcours où vous séjournerez une dernière nuit.
Cette pointe loge sans l’ombre d’un doute l’une des plus spacieuses plages de la région et un charmant camping rustique aménagé avec perfection par les utilisateurs du plan d’eau. Le soir venu, vous dégustez au coin du feu un repas gastronomique en guise de récompense de vos efforts de la journée. Cette nuit, le silence et la grande noirceur font bon ménage, au grand plaisir du canoteur que vous êtes en recherche de plénitude.
Au matin, cap au nord-ouest pour une quinzaine de kilomètres jusqu’à la marina d’Angliers. À quelques mètres de la ligne d’arrivée, la traversée d’une myriade de petites îles se fait paisiblement savourant tout le plaisir de vivre ces derniers instants de pur bonheur.
À Angliers, la visite du T.E. Draper complète parfaitement votre sortie nautique relatant un segment important de l’histoire du plan d’eau qui vous a porté jusqu’ici. L’exposition muséale traite de l’environnement historique entourant l’exploitation forestière à partir du 19e siècle dans le bassin hydrographique de l’Outaouais supérieur et l’organisation du flottage du bois.
Voilà une aventure marquante remplie d’images et de moments saisissants pour enrichir vos souvenirs.