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Pagayer au pied des falaises du majestueux lac Témiscamingue

Par France Lemire

Des eaux d’une rare profondeur, un décor majestueux dominé par la présence de grands pins blancs et rouges et de reliefs montagneux, des attraits touristiques saupoudrés ici et là, des coins isolés de toute trace humaine, vraiment, le lac Témiscamingue est invitant à bien des égards. Ajoutons au scénario l’absence de vent pour des eaux quasi miroirs, un ciel bleu et un soleil radieux et nous avons les conditions parfaites pour vivre un périple en kayak inoubliable.

Frontière naturelle entre le Québec et l'Ontario, cet imposant élargissement de la rivière des Outaouais se découvre au nord dans la municipalité de Notre-Dame-du-Nord et coule plein sud vers la municipalité de Témiscaming. Long de 110 km et d'une superficie d'environ 300 km2, ce lac est très profond (120 mètres en moyenne). Ainsi, il porte bien son nom algonquin signifiant « eau profonde ». L’histoire de ce territoire est riche. Des Amérindiens habitaient sur ses bordures depuis des millénaires quand, en 1670, des Français, des commerçants de fourrures et de bois, des missionnaires et des colons le découvrent à leur tour.

Le lac Témiscamingue se révèle accessible aux pagayeurs intermédiaires, car par grands vents, ses eaux tumultueuses peuvent rendre la navigation dangereuse. Sa descente représente 114 kilomètres à réaliser sur 4 à 5 jours.

C’est à Notre-Dame-du-Nord qu’on entame notre périple sur ce gigantesque plan d’eau. Une fois nos kayaks soigneusement chargés, Jasmin et moi nous élançons avec grâce sur les eaux calmes de la baie Paulson sous un soleil éblouissant et un 25°C bien senti. Après un peu moins de 10 kilomètres à nous propulser manuellement, une petite pause s’impose sur les galets de l’île du chef.

Le lac Témiscamingue est l’aire de repos de la sauvagine et l’aire de nidification du Grand héron. Plusieurs variétés de canards y nichent aussi.

En pagayant le long des plages rocailleuses de la rive-est, on décèle quelques belles demeures harmonieusement moulées dans un décor de forêt verdoyante.

C’est à la pointe Piché qu’on se distance de la berge pour atteindre les rives de l’immense île Mann, un silence presque méditatif s’installe au milieu de cette étendue d’eau à perte de vue. On joue ensuite à saute-mouton à travers les îles, de l’île Mann, en passant par la petite Île Oster pour ensuite atteindre la fameuse île du Collège. Jasmin décrète alors l’heure de la pause au creux de la baie des Ties. Nous nous arrêtons sur un large étendu de galets plats pour remuer nos jambes et grignoter un brin.

Après l’île des Sœurs, nous bifurquons à la Pointe au Vent au fond de la baie des Pères où s’élève Ville-Marie qui fut, à la fin du XIXe siècle, le centre du mouvement de colonisation de la région. À proximité de la marina aux multiples voiliers, des visites à pied à la maison du colon et à la chocolaterie Les chocolats Martine sont possibles.  Un bon repas chez Eugène Auberge/Bistro, au Caféier-Boustifo Bistro ou au Bistro Elle et Louis et une nuit de rêve chez Eugène Auberge/Bistro s’offrent également à nous dans le même secteur.

Au matin, nous prenons le temps d’admirer à la jumelle les voiliers qui passent au loin. Nous quittons ensuite la marina par la voix des eaux pour atteindre la pointe Témiscamingue. Par-delà cette pointe, nous nous arrêtons sur la rive sablonneuse de la baie Laperrière pour un bon déjeuner sur la terrasse unique du restaurant La Bannik, nichée en montagne. La vue surplombant le lac en direction de notre parcours à venir nous fait saliver. Sur le site de la Bannik, on retrouve un camping et un sentier pédestre conduisant à deux belvédères couverts aux panoramas à couper le souffle. Il est peu souhaitable de reprendre le large sans visiter le Lieu historique national du Fort-Témiscamingue pour se familiariser avec l’histoire de ceux qui ont sillonné ce lac des centaines, même des milliers d’années avant nous.

Le Fort-Témiscamingue fut un important poste de traite canadien-français des pelleries qui fut en activité pendant près de deux siècles. C'est dans ce fortin que les trappeurs venaient vendre leurs fourrures aux marchands et négociants français qui les envoyaient ensuite vers l’Europe.

Le lac Témiscamingue est certainement le plan d’eau le plus majestueux du Québec et c’est en pagayant les prochains kilomètres qu’on le réalise pleinement. Ici, le contraste est fort entre l’espace si ouvert des derniers jours et le décor plus étroit qui se dresse devant nous.

Un arrêt à la rampe de mise à l’eau de Fabres et on continue notre émerveillés le long de splendides escarpements rocheux où croient de la roche comme par magie de magnifiques pins. On glisse ainsi sur l’eau jusqu’à la pointe Topping où se jette de plein fouet la rivière Kipawa dans le lac Témiscamingue par une série de rapides, les rapides Hollywood. Stationnaires sur l’eau, on partage le spectacle avec plusieurs embarcations à moteur, car la pêche y est excellente. C’est à partir d’ici que le lac coule en bordure du nouveau parc national Opémican, situé sur sa rive-est.

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En progressant sous le soleil, propulsé par les rotations de nos pagaies et éblouis par la magnitude des lieux, se dessinent devant la proue de notre modeste embarcation de gigantesques falaises qui descendent directement de la chaine des Laurentides. Fait intéressant, ces murs rocheux sont fréquentés par le faucon pèlerin, une espèce vulnérable au Québec, qui y niche depuis quelques années.

Le bruit de l’eau qui tombe en cascade nous amène à découvrir quelques magnifiques chutes cachées comme des trésors en forêt. Quel paradis ! Intimes, discrets et parfois même secrets, de rares recoins nous permettent d’accoster pour une pause méritée où pour y lever campement. Des sites de rève pour une nuit de rève !

Au petit matin, après un bon café devant la nappe de brume se dissipant tranquillement sur le lac, Jasmin et moi reprenons l’aventure en nous propulsant sur quelques kilomètres toujours accolés aux gigantesques falaises bordant la place.

Chemin pagayant, passé la baie Hoonan, nous dévorons des yeux en toute sérénité un panorama montagneux avec le profil envoûtant de la pointe historique Opémican qui se dessine devant nous. Site d’accueil principal du Parc national Opémican, un musée qui verra le jour à l’été 2019, témoignera des débuts de l’exploitation forestière et des activités de flottage du bois du secteur. Ce sera également la place de choix pour passer la nuit sous une tente Utopia ou bien blottis en forêt dans l’un des nombreux lots de camping du site.

En matinée, quelques kilomètres de coups de pagaie nous permettent d’atteindre heureux la marina de Témiscaming, magnifique petite ville à flanc de montage à l’architecture anglo-saxonne, aux espaces fleuris et aux œuvres d’art d’origine européenne.