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Virée en kayak au Nord du labyrinthe Kipawa

Par France Lemire

Dès qu’on arrive à Laniel, à la vue du majestueux lac Kipawa, on a qu’une chose en tête: partir à la conquête de ses multiples baies, au rythme de la pagaie.

Cette nappe d’eau d’une limpidité remarquable compte en moyenne une profondeur de 11,5 mètres et en atteint, à son maximum, 40. Il n’est cependant pas rare d’avoir l’illusion de pouvoir tâter le fond du bout de la pagaie pourtant à plusieurs mètres sous notre embarcation. Des souches immergées perceptibles ici et là informent les pagayeurs que le plan d’eau est en fait un réservoir et cela depuis la construction du barrage de Laniel. Cette imposante structure hydraulique, construite au début du vingtième siècle, régularise le débit de la rivière des Outaouais à partir du lac Kipawa vers le lac Témiscamingue, en le faisant passer par la rivière Kipawa largement appréciée des kayakistes avides d’eau vive.

Ce plan d’eau tentaculaire tacheté d’une multitude d’îles nous procure l’impression remarquable de naviguer sur une rivière. Avec ses quelques 1600 kilomètres de rivage, on peut s’étendre pour des kilomètres sans s’éloigner des rives. Véritable labyrinthe, sa navigation nécessite de prévoir deux GPS plutôt qu’un pour partir à l’assaut de ses nombreuses baies. L’ultime consigne est de demeurer groupés, surtout si votre tente et vos rations sont dans l’embarcation voisine. Le simple fait de vous diviser pour contourner l'une des grandes îles du secteur risque de vous séparer pour le reste de l’aventure.

Tout au long du parcours, quelques pourvoiries accessibles par voie d’eau seulement se déploient ici et là. Pas désagréable de les atteindre en cas de pépins.

Le circuit proposé compte 80 kilomètres dans l’envoûtant univers témiscamien et se déploie dans la partie nord du lac Kipawa. Une navette en voiture de plus de 6 kilomètres sur un chemin de gravier sépare le point de départ de votre lieu d’arrivée.

L’aventure commence pour Jasmin et moi à la rampe de mise à l’eau de la baie du Deux Milles à proximité de la pourvoirie Chalets Baie des Plongeurs. Une fois en selle sur l’eau, dès que l’on s’éloigne de la voiture à travers cette baie étroite, la nature sauvage se dévoile dans toute son intimité. On connecte instantanément au moment présent dans une grande bouffée d’air frais. Quelques coups de pagaie plus tard, le paysage s’ouvre sur la Baie des Plongeurs. Ici, il est souhaitable de coller la rive nord jusqu’à l’île des Huards pour profiter d’une petite saucette sur l'une des rares plages du lac. J’y aurais bien pataugé quelques heures, mais Jasmin me rappelle à l’ordre et on reprend aussitôt la cadence dans une partie plus étroite de la Baie de plongeurs qui se fond rapidement dans l’immense baie du Huard. Ce segment porte fidèlement son nom, j’y ai compté 21 huards qui chantaient en cœur. Wow, wow et rewow !

France
Jasmin

À la fin du spectacle, on active nos pagaies pour glisser dans la passe Boudel jusqu’à la Baie Smith afin de sillonner les deux belles îles de la place. On file ensuite au large vers le sud pour atteindre la rive ouest de l’île aux Ours que l'on longe en traversant la Passe à Bouthillette que l’on colle les yeux rivés sur la forêt verdoyante dans l’espoir d’y apercevoir l’animal éponyme. Tout est possible ! À mi-chemin de la passe, un passage étroit entre l’île aux Ours et l’île Garrot nous attire comme un aimant par la beauté de ses lieux. On y navigue paisiblement dans un silence absolu à travers les pins géants bordant les rives. Une île à la sortie de ce secteur idyllique nous accueille pour une première nuit en tente.

Au lever du soleil, je découvre un lac miroir. Je tire aussitôt Jasmin d’un sommeil récupérateur et nous voilà alors une heure plus tard naviguant sur notre reflet d’île en île jusqu’au chenal Kipawa. Le passage forme l'une des artères principales du lac. Quelques petits sites de camping sauvage sur tapis d’épines de pin avec rond de feu se dévoilent ici et là. On en profite pour se délier les jambes après quelques heures pour le plaisir et pour la détente.

La beauté de la nature continue de faire son œuvre sous un soleil permanent et à marquer mon esprit avide de grand espace.

On coupe ensuite à travers la Passe Fox, un petit bijou de site à explorer, saupoudré de plusieurs charmantes petites îles. On y ressort joyeux avec, dans notre ligne de mire, l’immense île McKenzie qu’on frôlera sur quelques kilomètres. Jasmin augmente alors la cadence alors que moi, je continue à avancer paisiblement, carburant au magnétisme de ces lieux escarpés du Bouclier canadien.

Le point culminant de notre périple approche à grands coups de pagaie. À la baie du Canal, le lac coule au fond d’un canyon créant chez le canoteur la Sensation d’isolement et de plénitude. Au fond d’un corridor étroit aux abords escarpés de granite, on s’engouffre dans un petit paradis alors qu’on atteint un plan d’eau circulaire se logeant dans le ventre du grand. Un quai sur la rive d’une île aménagée en camping nous accueille. Nous y glissons nos embarcations et plantons la tente pour la nuit. Ce soir, le rouge du ciel se juxtapose à merveille au bleu de l’eau du lac. On profite de ce moment d’extase pour plonger dans l’eau claire et dans ce décor d’exception.

Le lendemain, à la sortie du canal, la magnifique plage de l’île Clermont s’offre à nous pour la baignade matinale. On jouit d’un ensoleillement privilégié et d’un site tout aussi unique. On retrouve sur les lieux des toilettes sèches et des tables de pique-nique. Frais et dispos, nous reprenons notre petit bout de chemin, mais avant de gagner la municipalité de Laniel en quasi ligne droite, un détour dans le secteur de l’île aux Fraises s’ajoute à notre périple comme un délice. Ce site, partie prenante du fameux Parc national d’Opémican est sans conteste l'un des plus bels archipels du Québec. L'odeur sucrée des tapis d'aiguilles de pain embaume l'air et la sensation de pagayer dans un havre de sérénité nous envahit. À quelques kilomètres de la municipalité, on colle la rive pour y admirer les magnifiques chalets du secteur. On atteint finalement la marina, la tête imprégnée de paysages grandioses.